Peyi lock : c’est quoi ?

Le « Peyi lock » est un mouvement né d’une frustration croissante dans un contexte de crise économique et de scandales de corruption, notamment l’affaire PetroCaribe. Depuis 2018, le détournement de fonds publics provenant du programme PetroCaribe, destiné à financer des projets de développement, a suscité l’indignation populaire, d’autant plus que ces fonds n’ont jamais bénéficié à la population, accentuant ainsi la colère des Haïtiens. Le mécontentement visait aussi la gouvernance de Jovenel Moïse, accusé de corruption et d’inefficacité dans la gestion de la crise économique qui affectait gravement le pays, avec une inflation galopante de plus de 20 % et une dévaluation continue de la gourde. En conséquence, 60 % de la population vivait avec moins de 2 dollars par jour (Jules Girardet, 2019).

Première épisode « Peyi lock »

Le premier épisode « Peyi Lock » en Haïti, qui a eu lieu en février 2019, a provoqué une paralysie totale du pays sur plusieurs jours, marquée par des manifestations massives contre la corruption et la mauvaise gouvernance, notamment en lien avec le scandale PetroCaribe. Ce soulèvement est survenu après la déclaration d’un état d’urgence économique par le gouvernement, ce qui a alimenté la colère populaire.
Selon un article publié par Human Rights Watch le 22 mars 2019, les chiffres montrent que ces manifestations ont causé la mort de 34 personnes et fait 102 blessés, dont 23 policiers. Ces événements ont non seulement provoqué des pertes humaines, mais aussi des conséquences graves sur le pays : des blocages routiers, une aggravation de la crise humanitaire avec des pénuries alimentaires et de carburant, et des pertes économiques sévères pour les entreprises haïtiennes

Deuxième épisode de « Peyi lock »

Le deuxième mouvement « Peyi Lock » en Haïti, qui a duré environ trois mois entre septembre et novembre 2019, a marqué un tournant dans l’histoire récente du pays. « Peyi Lock », littéralement « pays bloqué », visait à paralyser les activités économiques, sociales et politiques pour exprimer un mécontentement face à la gouvernance du président Jovenel Moïse et à une situation socio-économique désastreuse.

Ce deuxième épisode s’est manifesté par des blocages massifs de routes et de villes, avec des barricades érigées par des manifestants utilisant des pneus enflammés et d’autres objets pour empêcher la circulation. Cette paralysie a eu des conséquences désastreuses sur plusieurs plans : 42 morts et 86 blessés, dont 19 causés par les forces de l’ordre (Marta Hurtado, 2019 ; Jules Girardet, 2019), ainsi que des écoles fermées, privant plus de 3 millions d’enfants d’éducation (CLIO, 2020).

Sur le plan économique, la crise a aggravé l’insécurité alimentaire, avec 40 % de la population en situation de précarité alimentaire sévère. Les entreprises, grandes et petites, ont été gravement touchées, certaines ayant dû fermer définitivement. Le PIB du pays a plongé suite à ces perturbations (Jules Girardet, 2019). En dépit des efforts de dialogue, la situation politique n’a pas été résolue. Bien que les protestations aient faibli, la méfiance envers les institutions persiste.

Ainsi, les trois mois de « Peyi Lock » ont mis en lumière la profondeur des problèmes économiques et politiques du pays, exacerbant les tensions sociales qui perdurent jusqu’à aujourd’hui, sans que les causes profondes – corruption, inégalités et pauvreté – n’aient été véritablement traitées.

Peyi lock : source d’insécurité généralisé actuelle

Les gangs armés en Haïti ont largement profité de la crise politique et des blocages (Peyi lòk) pour étendre leur influence, notamment à Port-au-Prince. Pendant ces périodes de troubles, de nombreux actes de violence ont été perpétrés, parmi lesquels des séquestrations, des meurtres et des braquages. La situation a rapidement échappé au contrôle des forces de l’ordre, dont les commissariats ont été pillés et les tribunaux incendiés, paralysant ainsi leur capacité à assurer la sécurité dans le pays.

Les mouvements « Peyi lòk » ont conduit à des incidents graves, notamment des attaques répétées contre des commissariats et des vols d’équipements policiers, tels que des armes à feu et des uniformes. Après le premier « Peyi lòk » de février 2019, les tensions sont restées vives, et plusieurs commissariats ont été pris pour cible. Ces pillages ont directement contribué à l’aggravation de l’insécurité en affaiblissant les capacités de la police et en renforçant le pouvoir des gangs armés, exacerbant ainsi la spirale de violence (sources : Human Rights Watch, 2019 ; Vice, 2019).

En septembre 2019, Haïti a été le théâtre de violentes manifestations réclamant la démission du président Jovenel Moïse. Les manifestants ont attaqué des commissariats, des entreprises et des infrastructures essentielles dans des villes comme Port-au-Prince, Gonaïves et Mirebalais. Les violences ont également ciblé des institutions publiques telles que l’EDH, des lycées et des ONG, rendant la situation encore plus instable. Ces affrontements ont causé plusieurs morts et blessés, tandis que les forces de l’ordre tentaient, sans succès, de maîtriser la situation.

Voici quelques dates clés des attaques contre les commissariats en 2019 :
– 26-27 septembre : Destruction et pillage de plusieurs commissariats et entreprises, notamment Carribean Craft et Banj.
– 27 septembre : Attaque et destruction du sous-commissariat de Bigot à Gonaïves.
– 27 septembre : Attaque du commissariat de Thomonde à Mirebalais.
– 28 septembre : Pillage et destruction de biens publics et privés à Saint-Marc et Frescineau.

Ces actes de vandalisme ont encore détérioré les infrastructures publiques et privées, aggravant la crise sécuritaire dans le pays. Cependant, les narrations de la majorité des médias haïtiens et des reporters haïtiens pour les médias étrangers cachent cette face sombre, car ils étaient uniquement obsédés par le départ de Jovenel Moïse. À titre d’exemple, un article de Le Floridien intitulé « Les Haïtiens déterminés à chasser Moïse du pouvoir » mentionne que certains manifestants justifiaient les pillages des commissariats en affirmant que les habitants, en particulier à Cité Soleil, n’avaient rien chez eux. Haïti Progrès a également rapporté des pillages et des incendies visant des commissariats et des tribunaux de paix, ce qui a accentué le chaos et la violence à travers le pays.

Article tiré du site Intelligence Haïtienne https://www.intelligentsia-ht.com/peyi-lock-le-catalyseur-de-linsecurite-actuelle-qui-ravage-haiti/

Sources :

CLIO (2020), Évaluation de l’impact de la crise actuelle sur les ménages dans l’éducation et la protection, Rapport de situation du 09 janvier 2020 -https://cliohaiti.net/wp-content/uploads/2021/05/CLIO-START-NETWORK-Rapport-situation-Education-et-Protection-20200109.pdf

Jules Girardet (2019, HAÏTI – Comprendre la crise, Noula https://noulacoop.com/2019/12/haiti-comprendre-la-crise/

Marta Hurtado (2019), La situation de crise en Haïti / Briefing Notes https://binuh.unmissions.org/fr/la-situation-de-crise-en-ha%C3%AFti-briefing-notes

HRW (2019), Haiti: Investigate Protest Deaths, Hold Any Police Who Used Excessive Force Accountable https://www.hrw.org/news/2019/03/22/haiti-investigate-protest-deaths

Les gangs armés, l’un des principaux bénéficiaires du « Peyi Lòk » https://haiti.loopnews.com/content/les-gangs-armes-lun-des-beneficiaires-du-peyi-lock

Jean Daniel Sénat (2019), Des morts, des dizaines de blessés par balle, des commissariats attaqués et des entreprises privées pillées ; https://lenouvelliste.com/article/207430/des-morts-des-dizaines-de-blesses-par-balle-des-commissariats-attaques-et-des-entreprises-privees-pillees

Le Floridien (2019), Les Haïtiens déterminés à chasser Moïse du pouvoir, October 1 – 15, 2019 | Vol. 19 No. 442, https://www.lefloridien.com/wp-content/uploads/2019/10/LF442.pdf

Haïti Progrès (2019). Pays lòk, source d’insécurité et de violation de toute sorte https://www.haitiprogres.com/news/2019/11/07/pays-lok-source-dinsecurite-et-de-violation-de-toute-sorte/

Vince (2019), Au moins 18 personnes sont mortes lors des manifestations antigouvernementales en Haïti. Voici pourquoi le pays se soulève https://www.vice.com/en/article/at-least-18-people-have-died-in-haitis-anti-government-protests-this-is-why-the-country-is-rising-up/

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