À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le thème « Femmes et environnement » a mis en lumière l’impact disproportionné du changement climatique sur les femmes, en particulier dans les régions vulnérables. Ce dialogue est d’autant plus urgent que ces inégalités environnementales et sociales se creusent face à des crises climatiques de plus en plus intenses.

Le 25 novembre dernier, dans le cadre d’une conférence en ligne organisée par le Mouvement Mondial des Femmes et Filles Leaders Panafricaines et Caribéennes (MMFLP), en coordination avec ses partenaires, Madame Fanta Leveque s’est entretenue avec Monsieur Wilsonn Labossière, PhD, Expert en Agro-business et en Développement durable. Ensemble, ils ont exploré les défis climatiques contemporains et leur impact sur les populations les plus fragiles. À travers cet échange captivant, les deux intervenants ont abordé les conséquences concrètes du dérèglement climatique, notamment dans les Antilles et en Haïti, tout en mettant en lumière des initiatives locales de résilience portées par les femmes.
Ce texte propose une retranscription enrichie de cet échange, qui a offert des clés essentielles pour comprendre les liens entre changement climatique et justice sociale.

Echange entre Madame Fanta Lévêque  et Monsieur Wilsonn Labossière

Question de Madame Fanta Lévêque : Qu’entend-on réellement par dérèglement climatique ? Qu’est-ce que le dérèglement climatique d’une manière générale ?

Réponse de Wilsonn Labossière : Pour simplifier, Fanta, prenons l’exemple de la semaine dernière. Mercredi, il faisait presque chaud, mais jeudi matin, il a neigé, et tout cela en novembre, un mois où la neige est normalement rare. Cela illustre le dérèglement climatique.
Cette année, nous avons eu des températures atteignant 50°C dans certaines régions de France, des pics de chaleur jamais enregistrés auparavant. Ces pics sont liés au dérèglement climatique. Certains sceptiques affirment que les variations climatiques existent depuis toujours ou que le dérèglement est une construction visant à imposer un mode de vie « écolo ». Mais aujourd’hui, on constate un changement dans la durée des pluies et l’intensification des sécheresses. Ces phénomènes montrent que nous sommes dans un dérèglement climatique.
Ce n’est pas une fatalité. Nous pouvons encore agir pour améliorer la situation. Des recherches sont en cours pour trouver des solutions et protéger les générations futures. Si nous n’agissons pas, ce sont elles qui en paieront les conséquences.
Un point important est la montée du climato-scepticisme. Avec la réélection de Donald Trump aux États-Unis, ce sujet deviendra un enjeu majeur. Certains médias qualifient les défenseurs du climat d’« éco-terroristes », ce qui est une grave erreur.

Relance 1 de Madame Fanta : Donc, Wilsonn, vous dites que le terme « dérèglement climatique » est technique, mais qu’on a des exemples frappants de ces dérèglements, tant en France que dans d’autres pays, où les saisons ne sont plus comme avant. Est-ce cela ?

Réponse de Wilsonn Labossière : Oui, c’est bien cela. Prenez par exemple la neige tombée jeudi dernier. Le vendredi, il faisait 3°C, puis samedi, la température est descendue sous 1°C. Aujourd’hui, on atteint 17°C. Cela montre que ce problème ne se limite pas à la France.

Relance 2 de Madame Fanta : On parle aussi du Canada, où, il y a 20 ans, les températures hivernales atteignaient parfois -20°C ou -30°C. Aujourd’hui, difficile d’atteindre -10°C. Qu’est-ce qu’un climato-sceptique ?

Réponse de Wilsonn Labossière : Un climato-sceptique est une personne qui nie ou minimise le dérèglement climatique, même face aux preuves scientifiques. Ces personnes préfèrent écouter des sources qui réfutent les recherches sérieuses, comme celles du GIEC. Parfois, elles financent des études biaisées pour soutenir leurs idées. Leur objectif est souvent économique : elles veulent maintenir des pratiques qui génèrent du profit au détriment du climat et des générations futures.

Question de Fanta Leveque : Quelles sont les conséquences du changement climatique aux Antilles et plus particulièrement en Haïti ?

Réponse de Wilsonn Labossière : Aux Antilles, chaque année, entre septembre et octobre, des cyclones ravagent les îles. En Haïti, la situation est encore plus complexe. Le pays connaît de plus en plus de cyclones chaque année. Avant, il n’y en avait qu’un par an, mais aujourd’hui, on en compte parfois quatre ou cinq. L’ouragan Matthew en 2016 a ravagé Haïti, détruisant presque tout sur son passage.
Haïti est particulièrement vulnérable en raison de sa situation géographique, au cœur du bassin des Caraïbes, exposée aux cyclones en provenance de Miami. Le pays partage une île avec la République Dominicaine, mais c’est Haïti qui subit le plus de ravages.
Les femmes, souvent en charge du commerce local, sont les premières victimes de ces catastrophes. Après l’ouragan Matthew, les femmes qui vivaient déjà dans des camps de fortune ont vu leurs conditions de vie se dégrader encore davantage. Le tremblement de terre du 14 août 2021, suivi d’un cyclone, a ajouté de nouvelles souffrances. Ces événements ont dévasté les infrastructures et laissé des milliers de femmes et d’enfants sans abri.
La déforestation aggravée par des décennies de coupe abusive du bois pour le charbon de bois contribue aux inondations régulières dans le nord du pays. En Haïti, la couverture végétale est aujourd’hui de seulement 2 %, un chiffre catastrophique. La déforestation et les cyclones répétés sont des conséquences directes du dérèglement climatique.

Synthèse de Madame Fanta Lévêque : « En résumé, les Antilles subissent des cyclones chaque année, mais Haïti est particulièrement vulnérable à cause de la déforestation, de l’urbanisation anarchique et des conditions climatiques extrêmes. Les femmes et les enfants, déjà fragilisés par la pauvreté, sont les premières victimes. »

Question de Docteur Aïcha Bacha : Pouvez-vous nous parler des processus de résilience dans vos pays respectifs ?

Réponse de Wilsonn Labossière : La résilience au changement climatique nécessite des stratégies adaptées à chaque pays. Par exemple, en France, la mairie de Paris impose des mesures comme la circulation alternée pour limiter la pollution. Ces décisions visent à protéger la santé des citoyens en réduisant les émissions de gaz polluants.
En Haïti, depuis 2012, les populations, notamment les femmes, ont lancé des initiatives pour gérer les déchets. Dans le sud du pays, certaines transforment les déchets en biogaz ou en produits bio-énergétiques. À Port-au-Prince, une association dirigée par une femme milite pour interdire le polystyrène, une matière nuisible à l’environnement.
En Afrique, 70 % des personnes travaillant dans l’agriculture sont des femmes, qui produisent la majorité des denrées alimentaires. Il est essentiel de soutenir ces femmes pour les aider à adapter leurs pratiques agricoles, en adoptant des méthodes moins gourmandes en eau et en engrais. Par exemple, l’utilisation d’engrais verts pourrait améliorer les rendements tout en protégeant l’environnement.
Ces actions montrent que la résilience face au changement climatique est possible, à condition de soutenir les initiatives locales et de promouvoir des pratiques durables.

 

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